Compte rendu du colloque de la FFRE 2020: 2ème et 3ème tables rondes

.Compte rendu du colloque de la FFRE 2020: 2ème et 3ème tables rondes

Notre Recherche et Perspectives de juin 2020 vous résumait les échanges lors de la première table ronde de notre colloque de février 2020 « Vie personnelle et familiale, sports, voyages, loisirs… quels impacts de l’épilepsie ? ».

Vous pouvez retrouver les deux autres tables rondes dans les pages qui suivent…

Deuxième table ronde : Epilepsie et relations familiales, amicales, amoureuses…

Intervenants

Professeur Bertrand de Toffol, neurologue épileptologue au CHU de Tours

Docteur Arnaud Biraben, neurologue épileptologue au CHU de Rennes

Professeur Vincent Navarro, neurologue épileptologue à la Pitié-Salpêtrière, Paris

Madame Sandrine Lefevre, infirmière à la Pitié-Salpêtrière, paris

Témoignages de patients : Élodie Claude, Camille Malbrancq, Arlette Malbrancq, mère de Camille

 

La vie familiale 

Les grands témoins de la FFRE

Arlette Malbrancq

L’épilepsie de Camille a été diagnostiquée à l’âge de 18 ans. Je n’étais pas très inquiète au début et je pensais que la maladie serait maîtrisée grâce aux médicaments. Puis Camille a fait des crises généralisées, avec parfois des chutes et des blessures. Là, j‘ai commencé à culpabiliser et me poser beaucoup de questions. Il faut comprendre la maladie, l’accepter pour aider et apaiser. Pour cela il faut se maîtriser ; la transmissibilité de la peur est un problème Je me suis faite aider pour aider Camille.

Camille

L’épilepsie a coïncidé avec mon entrée dans l’enseignement supérieur, un moment de ma vie très heureux perturbé par la maladie. Je me suis sentie très fatiguée, j’avais du mal à expliquer ma maladie à l’école. Ma famille m’a aidée de son mieux mais je ne voulais pas me laisser définir par la maladie et que tout tourne autour de cela. Mes parents sont partis vivre aux Etats-Unis, comme cela était prévu auparavant.

J’ai eu du mal à accepter ma maladie, j’ai eu besoin de me faire aider pour me l’approprier. Je ne supportais pas que ma famille ne me voie qu’à travers ça et que leurs angoisses rejaillissent sur moi, je ne voulais pas qu’ils rentrent des Etats-Unis pour moi. Nous sommes passés par une période conflictuelle et je leur ai demandé de se faire aider.

Cécile Thibert: Où en êtes-vous aujourd’hui ?

 Arlette Malbrancq : Nous allons tous bien grâce au travail que nous avons fait sur nous-mêmes. Camille est ostéopathe, je suis fière d’elle.

Cécile Thibert : Comme médecin comment abordez-vous la question des aidants familiaux ?

Dr Arnaud Biraben: On ressent parfois la nécessité d’un suivi psychologique de la famille pour apprendre à vivre avec la maladie. Sauf exception, ces consultations ne sont pas remboursées et cela pose problème. L’alternative possible est l’éducation thérapeutique. L’échange entre les professionnels, les patients, les familles comme aujourd’hui est aussi d’une grande utilité.

Pr Bertrand de Toffol: L’entrée dans la maladie correspond à la fin de l’insouciance et à une attaque de l’estime de soi. Elle met en tension la cellule familiale et professionnelle et peut créer des problèmes au sein des couples. La maladie agit comme un révélateur puissant, chacun doit s’adapter en fonction de ce qu’il peut faire, de l’aide apportée. Il faut aussi éviter les personnes toxiques.

Ce que je retiens de l’expérience de ces dix dernières années, c’est l’importance de l’éducation thérapeutique. Il faut qu’il y ait un vocabulaire commun pour que le dialogue s’instaure véritablement et cela demande du temps.

L’exemple de Camille montre qu’on peut réussir à surmonter l’épreuve de la maladie. Camille s’est battue, elle a réfléchi, elle a poursuivi ses études, elle travaille.

D’autres personnes ont plus de mal à se battre, elles perdent leur emploi, leurs amis et leur situation est très difficile.

L’aide d’un psychologue n’est utile qu’à deux conditions : quelle soit demandée par le patient (le neurologue ne doit pas l’imposer) et qu’elle soit apportée par un psychologue qui connaisse l’épilepsie. Je suis favorable aux thérapies comportementales qui mettent l’accent sur l’affirmation et l’estime de soi ainsi que sur la question de la gestion des crises et des troubles phobiques.

Cécile Thibert : Où trouver ces professionnels ?

Pr Vincent Navarro: On peut trouver ce type de professionnels grâce aux réseaux comme la FFRE ou l’Association Française des Thérapeutes Comportementalistes. Il faut demander un courrier d’adressage à son médecin traitant ou à son neurologue.

La vie amicale et amoureuse

Cécile Thibert : Qu’en est-il des amis, des amours ? Quand et comment évoquer la maladie ?

Elodie : J’en parle très rapidement. C’est rassurant que les gens le sachent tout de suite et cela me permet d’évaluer leurs réactions. En général, ils sont plutôt bienveillants et curieux. J’ai eu des doutes après une période de célibat, je me disais que je ne pouvais pas imposer ma maladie à quelqu’un, je craignais l’impact des crises car on ne sait pas quand elles surviennent. Puis j’ai vu un psychologue et j’ai pu aller de l’avant.

Camille : Moi aussi, j’évoque ma maladie rapidement. Elle ne me définit pas, même si elle fait partie intégrante de moi. Les relations amoureuses sont compliquées pour tout le monde avec ou sans épilepsie.

Pr Vincent Navarro : C’est un sujet important. Les témoignages de Camille et d’Élodie sont rassurants toutefois cela ne correspond pas forcément à l’expérience de la majorité des patients, même si je ne dispose pas de statistiques pour le confirmer.

En tant que médecins, nous sommes un peu démunis pour aborder la question de la vie amoureuse. Il faut développer les consultations avec les infirmières.

Sandrine Lefevre : Je confirme, les consultations d’un quart d’heure ne se prêtent pas à parler de sexualité avec le médecin. Nous arrivons à en parler plutôt avec les patients hospitalisés ou ceux qui ont besoin de revenir fréquemment à l’hôpital. Dans notre service, nous avons été formés grâce à un DU de santé sexuelle. Cela nous permet de dire au patient que la sexualité est un droit humain, qui permet de se construire et de définir son identité. C’est une question qu’on ne peut pas ne pas traiter et qui concerne toutes les épilepsies.

La dimension érotique de la sexualité a-t-elle sa place à l’hôpital ? Pour ma part, je le crois, notamment en ce qu’elle touche à la réalisation de soi et au point-clé du consentement. Les questions spécifiques pour les femmes sont aussi celle du désir d’enfant, de la reproduction, de la grossesse et de la ménopause. Il faut donc évoquer les hormonothérapies, les traitements anti épileptiques, la contraception et la ménopause.

Cécile Thibert : Des interactions entre contraceptifs et médicaments anti-épileptiques existent-elles ? 

Pr Vincent Navarro : Le médecin aborde nécessairement la question des interactions entre contraception et traitement anti épileptique et trouve toujours une solution.

Dr Arnaud Biraben : J’ajoute que nous abordons ce sujet d’autant plus rapidement avec nos patientes que les grossesses non programmées sont plus problématiques.

Pr Bertrand de Toffol: Une bonne grossesse est une grossesse programmée, discutée en amont avec le couple. Le neurologue est là pour accompagner les projets, pas pour les interdire. Une femme qui veut avoir un enfant peut en avoir un.

Selon une étude américaine, les hommes et les femmes avec épilepsie ont globalement moins de libido et de satisfaction sexuelle.

Je me réjouis que la parole se libère, qu’on puisse parler de ce thème en sortant des stéréotypes. Les raisons de des difficultés inhérentes à la vie amoureuse sont multiples. On peut évoquer l’action des traitements, qui peuvent induire par exemple une sécheresse vaginale, et bien sûr la question du désir qui reste un sujet délicat pour tous, avec ou sans épilepsie : cela ne doit pas être l’épilepsie qui gouverne le désir. Le corps est ambivalent pour la personne épileptique : d’une part, il est source de souffrance et d’inquiétude à travers la maladie, d’autre part, il apporte du plaisir grâce à l’amour. Il faut concilier ces deux aspects, ce qui nécessite un travail.

Les réunions comme celle d’aujourd’hui donnent la possibilité d’aborder ces sujets. En début de carrière, j’ai exercé comme psychiatre sexologue, donc je suis assez à l’aise pour traiter ces questions, peut-être davantage que certains neurologues qui n’ont pas eu cette expérience.

On se doit d’aborder le sujet de la sexualité sans être intrusif et parfois, même avec beaucoup de bonne volonté, on peut manquer de délicatesse.

Pr Vincent Navarro: Je rejoins totalement l’approche de Sandrine Lefevre. Je plaide pour que nous formions nos infirmières à cette écoute. Beaucoup de troubles du désir viennent d’une comorbidité dépressive associée qui n’est pas suffisamment détectée et traitée. Nous avons maintenant des outils pour le faire et je suis confiant dans l’avenir.


Échanges avec le public du colloque :

Question dans la salle : Je suis ergothérapeute et épileptique depuis trente ans. Je constate d’énormes disparités au plan territorial en matière d’éducation thérapeutique. Que faire pour que partout on ait accès à l’éducation thérapeutique ?

Pr Vincent Navarro : Les programmes d’éducation thérapeutique ne sont pas financés comme ils devraient l’être. Dans mon service, les infirmières font cela à leurs « heures perdues ». Les décisions sont prises au plan politique.

Dans ces programmes on apprend aux personnes qui ont une épilepsie à comprendre leur maladie, le fonctionnement du cerveau, ce qu’est une crise, un traitement. Il y a des patients ressource qui peuvent faire part de leur expérience. Dès que la maladie est mieux comprise, elle est mieux prise en charge et le traitement est mieux observé.

Question dans la salle : J’ai peur d’être avec un homme, une crise peut arriver à tout moment. Je crains d’être rejetée comme je l’ai été par ma famille et mes amis.

Dr Arnaud Biraben : C’est parce que vous êtes vous-même que quelqu’un tombera amoureux de vous, pour ce qui fait de vous un être singulier. Si un homme fuit, c’est juste que ce n’était pas le bon, cela n’a rien à voir avec vous. Il faut apprendre à se connaître au début d’une relation et parler de l’épilepsie au moment opportun.

Maguy Estadieu, patiente et bénévole: Avec mon époux, nous sommes mariés depuis 34 ans et ce n’est pas l’épilepsie qui a réussi à troubler notre amour. Nous avons la chance d’avoir des enfants. L’épilepsie, j’en ai fait ma meilleure amie. Une meilleure amie, on la soigne, on la bichonne afin de vivre avec elle.


Troisième table ronde : Et les enfants ?

Intervenants

Docteur Nathalie Villeneuve, neuropédiatre épileptologue à l’hôpital de la Timone à Marseille

Professeur Patrick Van Bogaert, neuropédiatre épileptologue au CHU d’Angers

Laetitia Lohéac, mère d’un enfant épileptique

Alan Dohen, père d’une enfant épileptique

Mathew Foster, père d’un enfant épileptique

 

Les grands témoins de la FFRE

Alan Dohen

Je suis père d’une petite fille de douze ans. Le diagnostic d’épilepsie a été posé lorsqu’elle avait trois ans, sa maladie étant liée à une malformation neurologique.

Son parcours scolaire a été semé d’embuches, il a été très compliqué d’obtenir de l’aide et une assistance. Elle a d’abord suivi un parcours classique, puis a bénéficié d’une AVS. En définitive, nous avons été contraints de nous installer du côté de Toulouse afin de scolariser notre fille dans une maison éducative à caractère sanitaire.

C’est un institut spécialisé dans l’enseignement aux enfants avec épilepsie et notre fille est bien prise en charge et parfaitement encadrée. Nous avons eu la chance de faire le dossier de demande d’inscription au mois d’avril et d’avoir une place dès le mois de juillet suivant.

Cécile Thibert : Quelles ont été les réactions des autres enfants par rapport à l’épilepsie ?

Alan Dohen: Les enfants ont toujours connu l’épilepsie de ma fille et quand elle faisait des crises, ils allaient chercher les adultes. Le problème en milieu scolaire s’est surtout posé avec les AVS et les professeurs qui la laissaient à l’écart ce qui la rendait malheureuse.

Cécile Thibert : Comment l’épilepsie a-t-elle changé la vie de votre famille ?

Alan Dohen: On ne peut pas laisser notre fille sans surveillance et nous avons donc dû déménager pour s’assurer qu’elle puisse être bien prise en charge jusqu’à ses 22 ans.

 

Les grands témoins de la FFRE

Laetitia Lohéac

Je suis maman d’un petit garçon qui a un syndrome rare, identifié en 2016. À partir de l’âge de deux ans et demi, il a fait jusqu’à 35 crises d’épilepsie par jour. Nous avons vécu un enfer. Deux neurochirurgies ont été pratiquées.

Aujourd’hui, mon fils s’en sort, son épilepsie tend à se stabiliser.

J‘ai rencontré de grandes difficultés avec la MDPH. Je considère que l’on ne respecte pas les droits de mon enfant, alors je me bats. J’ai déjà fait un recours avec mon avocat. Mon fils est également autiste, je l’ai retiré du centre d’action sociale avec accueil précoce dans lequel sa prise en charge était clairement insuffisante. Je me suis battue avec les AVS qui sont peu formées et dotées de contrats précaires.

J’ai donc mis en place une prise en charge à domicile : je me suis battue pour que mon fils puisse intégrer un SESSAD ABA (analyse appliquée au comportement). Il va à l’école à mi-temps et également dans ce SESSAD. J’ai été formée à l’ABA, j’ai arrêté de travailler et j’ai le statut d’aidant familial. Grâce à cette prise en charge pluridisciplinaire, mon fils parle, il communique.

Je suis très en colère car on prône l’inclusion et la MDPH me refuse une demande d’aide humaine parce que les éducatrices spécialisées de la structure Agir et vivre l’autisme n’ont pas de budget de l’ARS pour accompagner mon fils. Ainsi, il risque d’être déscolarisé en septembre alors que ses capacités lui permettent de suivre l’école.

Mille huit cents familles en Loire Atlantique se retrouvent sans solution, tout type de handicap confondu. Je trouve dommage que l’administration nous mette des bâtons dans les roues.

Je sais que mon fils ne pourra plus être scolarisé mais je tenais à témoigner de ce parcours du combattant et de la réalité de l’expérience d’un parent expert.

Cécile Thibert : Quel est l’état des lieux général de la prise en charge des enfants épileptiques ?

Pr Patrick Von Bogaert : Les besoins des enfants changent avec l’âge et il faut s’adapter aux situations. En tant que neuro pédiatre nous insistons auprès de la MDPH pour permettre aux enfants avec épilepsie de bénéficier de l’aide d’une AVS et nos recommandations sont le plus souvent suivies d’effets. Il faut néanmoins documenter le dossier et justifier des difficultés de l’enfant.

Cécile Thibert : Que pouvez-vous faire pour favoriser la scolarisation et la prise en charge des enfants ?

Dr Nathalie Villeneuve: La MDPH suit généralement nos recommandations sous réserve que les dossiers soient bien remplis, notamment la rubrique « projet de vie pour mon enfant ». En cas de désaccord, il faut construire un projet à trois, enfant, famille, médecin. Il est souhaitable de trouver une structure proche du domicile des parents le cas échéant, notamment pour les enfants qui présentent une épilepsie avec d’autres troubles.

Cécile Thibert : Quel est l’impact des crises d’épilepsie sur le développement de l’enfant et les apprentissages ?

Dr Nathalie Villeneuve: L’impact est très variable d’une situation à l’autre en fonction du type d’épilepsie, de l’âge d’apparition, du type de crise et de leur fréquence. Il demeure délicat d’isoler l’impact des crises sur le développement de l’enfant et l’impact des traitements car l’effet médicamenteux peut être important. Il faut, le cas échéant et dans la mesure du possible, diminuer le traitement si on considère que son impact est majeur dans les difficultés de l’enfant.

 

Mathew Foster, père d’un enfant épileptique

Notre vie aussi a été compliquée. À l’âge de deux ans, notre fils a été diagnostiqué épileptique. Au début, nous ne nous sommes pas inquiétés, il s’agissait juste d’absences. Puis la situation a empiré ; à huit ans, son épilepsie résistait aux traitements, il ne pouvait pas parler, il n’était pas autonome.

Mais nous avons eu beaucoup de chance, notre fils a été opéré et cela s’est révélé une grande réussite.

Il n’a plus connu de crise pendant 4 ans. Puis les crises sont revenues, mais elles étaient plus faciles à contrôler et avec l’âge, sa situation s’est stabilisée avec environ une crise tous les trois mois et toujours pendant la nuit.

Il a poursuivi ses études et a obtenu un master, il travaille et il est marié.

En tant que parent, la difficulté a été d’accompagner les différents moments de sa vie, de faire des choses avec lui sans oublier les autres enfants de la famille. Quand il a commencé à aller mieux, son frère aîné qui était toujours présent auprès de lui lorsqu’il faisait des crises en permanence, s’est mis à sortir des rails, en réaction, sans doute, aux années difficiles que la famille avait traversées. Pour conclure, la maladie dans une famille, c’est toujours difficile à vivre, même quand l’enfant va mieux, il y a des séquelles. 

Cécile Thibert : Quels conseils donneriez-vous à des familles confrontées à cette maladie ?

Mathew Foster: Il est difficile de donner des conseils mais j’aimerais appeler l’attention des parents sur la gestion des risques. Pour notre fils, la question s’est posée en ce qui concerne la pratique sportive ; c’est un garçon très sportif et il était difficile de le voir partir sur son vélo ou aller faire du surf en craignant de le voir revenir dans une ambulance, ce qui, de fait, a souvent été le cas. Nous avons décidé de l’encourager à faire ce qu’il avait envie de faire, en fonction des circonstances bien sûr et avec le maximum de précaution (ne pas être seul notamment). Entre les risques et les bénéfices, nous avons accepté les risques pour essayer d’en retirer les bénéfices. Je suis persuadé que cela lui a fait du bien à notre fils.

C’est un choix difficile pour chaque parent qui dépend des circonstances, de la maladie et relève d’une délicate évaluation de la balance bénéfices/risques pour l’enfant.

Cécile Thibert : Comment se déroule l’annonce de la maladie aux parents ?

Pr Patrick Van Bogaert : En règle générale, le diagnostic d’épilepsie est un moment d’angoisse ; les craintes des parents se polarisent sur la scolarité et le devenir professionnel ainsi que sur les crises. Le diagnostic peut prendre du temps, c’est une longue consultation dans laquelle on essaye de définir le type d’épilepsie en cause, avec un bon pronostic ou un pronostic plus réservé.

Dr Nathalie Villeneuve: Le plus souvent les familles sont inquiètes et se demandent combien de temps cela va durer, si leur enfant va être épileptique à l’âge adulte, combien de temps il devra prendre des médicaments, s’il pourra suivre une scolarité, faire du sport, avoir les mêmes activités que les autres.

Comme médecin on peut avoir des incertitudes, ne pas pouvoir tout annoncer : le diagnostic formel est souvent un cheminement en plusieurs étapes au fil des consultations.

Sauf pour certains syndromes qui guérissent à l’adolescence, le plus souvent, l’épilepsie est une maladie chronique, il faut accompagner les enfants notamment grâce à l’éducation thérapeutique.

En ETP, j’explique sa maladie à chaque enfant et en présence des parents : il s’agit de donner une information adaptée à l’âge de l’enfant grâce à différents outils, par exemple on fabrique un cerveau en pâte à modeler pour montrer comment en prendre soin ou on utilise un puzzle. Tout cela afin de préparer l’adhésion de l’enfant aux traitements, comme le font les parents quand, par exemple, ils préparent à l’avance les médicaments avec l’enfant. On travaille aussi sur le langage de façon que l’enfant puisse expliquer sa maladie à ses copains avec des mots simples. Il s’agit de rassurer et d’expliquer que c’est la maîtrise de la maladie qui peut permettre de s’en émanciper.


Échanges avec le public du colloque :

Question dans la salle : Je suis parent d’un enfant avec épilepsie et je voudrais évoquer la question des AVS, mon fils a eu quatre AVS, depuis le CE2 et cela ne se passe pas toujours bien.  Comment les AVS sont-elles formées ?

Réponse dans la salle : Je vous réponds en tant que professeur de l’Éducation nationale et mère d’une jeune fille épileptique.  Les AVS sont recrutées au niveau départemental sur la base d’entretiens et sont affectées en fonction des besoins dans les établissements scolaires. Leur formation est généraliste et il n’existe pas de spécialisation sur telle ou telle maladie. Je pense qu’il y a un besoin de formation supplémentaire de ces personnels.

Pr Patrick Van Bogaert : C’est un vrai sujet et un beau combat. Tout le monde s’accorde à reconnaître cette insuffisance de formation.

Dr Nathalie Villeneuve : Dans l’épilepsie, du fait des déficits cognitifs qui sont spécifiques et parfois peu visibles, le rôle des AVS est particulièrement important pour faire reconnaître à l’Éducation nationale les difficultés spécifiques de l’enfant et lui permettre de compenser ses déficits, par exemple en ce qui concerne la mémoire de travail.

 

Cécile Thibert

Pour clore ce colloque, je souhaite remercier tous les participants à ces tables rondes et je les invite à se mettre en relation afin de continuer à échanger et poursuivre ces batailles au service des personnes avec épilepsie.

Conclusion du Président, Bernard Esambert

Il me revient de conclure ce colloque et je souhaiterais évoquer avec vous les réactions qu’ont provoquées en moi, parent d’un enfant épileptique devenu adulte, les propos des différents intervenants.

Le rêve de tout parent d’un enfant épileptique est que celui-ci rentre dans le moule de l’Éducation nationale. C‘est un souhait légitime mais, concernant un petit nombre d’élèves avec des singularités, il va à l’encontre de la spécialisation de l’Éducation nationale dans la formation de masse. C’est donc le système associatif qui s’est saisi de la question de la singularité des besoins des élèves épileptiques. L’enfant est dans le désir de ne pas être rejeté voire exclu du système scolaire dans lequel beaucoup d’enseignants ont du mal à faire classe à l’ensemble des élèves tout en accompagnant ceux qui ont des singularités. C’est une difficulté majeure et la FFRE travaille beaucoup sur ce sujet, et, grâce à l’action d’Emmanuelle Roubertie, la Fondation a déjà obtenu certains résultats.

Pour ce qui est du sport, la conduite à suivre me paraît assez claire : encourager la pratique sportive du moment qu’elle ne provoque pas de blessures.

En ce qui concerne les voyages, le neurologue reste le maître du jeu, il est à même d’autoriser la personne épileptique à voyager : j’ai moi-même accompagné mon fils au Tibet, avec l’accord de son neurologue.

Quant à l’amour, de très nombreux couples composés d’une personne épileptique et d’une qui ne l’est pas, vivent pleinement et longtemps leur relation amoureuse.

Enfin, je suis sensible à l’idée développée par certains patients, neurologues ou infirmières selon laquelle l’épilepsie peut être une sorte de révélateur, poussant certaines personnes à chercher à dépasser la maladie et se fixer une haute ambition.

L’approche de l’épilepsie était bien différente il y a trente ans. Le neurologue était une forme de sphinx qui délivrait un diagnostic sans précaution ni accompagnement. Heureusement, les neurologues sont désormais à l’écoute des personnes épileptiques et les accompagnent avec bienveillance. Reste encore à travailler sur l’estime de soi de la personne épileptique de manière à développer son ambition et l’aider à se libérer du poids de la maladie.

Dans trente ans nous verrons que de nombreuses personnes épileptiques seront devenues écrivains, musiciens, chercheurs…car elles auront réussi à dépasser leur maladie et à se surpasser. On ne pourra plus alors parler pour l’épilepsie de double maladie, maladie du corps et maladie du regard d’autrui, souvent peu compatissant.

Je remercie le public de ce colloque, j’ai été ravi de passer cette journée avec vous et je souhaite que vous reveniez nombreux l’année prochaine pour approfondir ce sujet et traiter de nouveaux points.

Je remercie Cécile Thibert qui a animé avec talent les échanges.

Merci à tous ceux qui ont œuvré à l’organisation de cette rencontre.

Un grand merci à Emmanuelle Roubertie et toute l’équipe de la Fondation, notamment Letitia et Clémence ainsi qu’aux intervenants qui nous ont apporté leur expertise et leur témoignage.

 

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